Consultation fédérale – IP 21.449 Kamerzin
Selon les statistiques de l’OFS pour 2020, l’autorité parentale conjointe, devenue la règle depuis 2014, s’applique à environ 80 % des familles séparées. En revanche, un peu moins de 15 % des parents séparés ou divorcés se partagent la garde de manière à peu près équitable (OFS, Statistiques de la Suisse, Actualités, Démos 1/2020, Divorces, p. 12).
Or la garde alternée est reconnue comme étant le système de garde le plus bénéfique aux enfants. C’est dans l’intérêt de l’enfant d’augmenter significativement sa présence auprès des deux parents, ce qui lui procure un meilleur équilibre pendant son enfance et tout le reste de sa vie.
L’initiative parlementaire 21.449 du Conseiller national Kamerzin visant à favoriser la garde alternée est actuellement en consultation fédérale. Les cantons étant appelés à prendre position sur cet objet, nous avons fait parvenir aux Conseillers d’Etat genevois concernés notre prise de position argumentée ci-dessous.
Les associations de pères prendront aussi personnellement position : la CROP (Coordination Romande des Organisations Paternelles et de coparentalité), GeCoBi (faîtière des associations suisse-allemandes pour la coparentalité) et AGNA (Tessin) enverront à la chancellerie fédérale leurs prises de position en faveur de l’initiative parlementaire du conseiller national Kamerzin.
Nous espérons que le canton de Genève prendra positivement position sur cet objet.
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Consultation fédérale – Initiative parlementaire 21.449 Kamerzin
Favoriser la garde alternée en cas d’autorité parentale conjointe
Le 25 septembre 2025
Recommandations de Père Pour Toujours Genève à l’attention du Conseil d’Etat genevois
Soutenir l’initiative 21.449 et inscrire la garde alternée comme principe de base
Nous invitons le Conseil d’Etat à soutenir officiellement l’initiative ip.va 21.449 « Favoriser la garde alternée en cas d’autorité parentale conjointe », afin de poser l’attribution d’une garde alternée comme principe de base aux séparations et divorce. Le but étant de mieux harmoniser les pratiques judiciaires et mieux cadrer le pouvoir d’appréciation discrétionnaire dont disposent les autorités compétentes.
Soutenir la variante 2 : prise en charge de l’enfant à parts égales
Nous vous invitons à soutenir la variante 2 soumise à consultation, en tant que point de départ impératif du traitement d’une situation de séparation ou de divorce par les autorités. Celles-ci s’en écartent « si cela correspond mieux au bien de l’enfant. ».
Nos arguments sont les suivants :
- Résumé
La recherche scientifique et empirique, ainsi que l’expérience internationale convergent vers un constat clair : la garde alternée, lorsque les parents exercent une autorité parentale conjointe, constitue dans la grande majorité des situations la solution la plus favorable au développement harmonieux de l’enfant, au bien-être des parents et à la cohésion sociale.
- Principes de base et notions
- Le besoin fondamental de l’enfant
Dès ses premières années de vie, l’enfant développe des liens d’attachement essentiels avec ses deux parents. La présence et l’implication active de la mère et du père constituent des piliers pour son équilibre affectif, cognitif et social à long terme. Tant la Convention relative aux droits de l’enfant[1] que la jurisprudence (ATF 142 III 617) le soutiennent.
- L’impact des séparations
Toute séparation parentale est une épreuve pour l’enfant, particulièrement lorsque celle-ci s’accompagne de conflits. Plus rapidement la situation se stabilise, moins les conséquences psychologiques et éducatives sont durables.
- Les risques liés aux conflits parentaux
Les conflits conjugaux prolongés, non résolus, engendrent des effets délétères : conflits de loyauté, comportements de « gate keeping », voire aliénation parentale. Ils nuisent directement au bien-être de l’enfant et à la qualité de l’encadrement parental.
- L’effet du statu quo
Plus une garde unique perdure après une séparation, plus il devient difficile d’instaurer une garde alternée équilibrée. Les accords dont les parents peuvent convenir après une longue et coûteuse procédure s’apparentent bien plus à une décision de « fait accompli », parce que la situation s’est ainsi cristallisée sur une longue période, implémentant des habitudes plus difficiles à faire évoluer. Ces statu quo sont évidemment peu favorables à l’égalité parentale et au bien-être durable des enfants.
- « Garde alternée » ou « résidence alternée »
Le CF dans son rapport de 2024 reconnait que le terme « garde alternée » est insatisfaisant. L’étude du Bureau BASS mandatée par la COFF[2] rapportent que « Les parents (qui se partagent la prise en charge de leur(s) enfant(s) déplorent le plus fréquemment la réglementation selon laquelle l’enfant ne peut être officiellement domicilié que chez un seul d’entre eux, ce qui entraîne des inégalités dans de nombreux domaines : fiscalité, subsides à l’assurance-maladie, lieu de scolarisation, information des parents par l’école ou la structure d’accueil, etc. ».
- Etat des recherches sur le sujet
- Garde alternée, un sujet de recherche
Le sujet de la garde alternée a fait l’objet de nombreuses recherches et publications sérieuses. Dans une étude comparative de plus de 60 études sur le sujet (Nielsen, 2018)[3], la garde alternée obtient majoritairement de meilleurs résultats que la garde exclusive à l’un des parents sur la plupart des critères observés. Les résultats peuvent varier selon les critères analysés, mais aucune des études ne serait en mesure de prôner une garde exclusive au détriment d’une garde alternée.
- Tendance internationale
Dans plusieurs pays (Suède, Espagne, certaines provinces des États-Unis, Canada), la garde alternée est posée en principe de base du traitement des cas de séparations et de divorce. Comme ces pratiques varient à l’intérieur de ces pays, de province en province ou d’état en état, plusieurs études comparent empiriquement les décisions et leurs effets sur les parents et les enfants. Ainsi, là où la garde alternée a été favorisée, la proportion des décisions de garde alternée a progressé de manière significative (p.ex. de 10 à 40% en Espagne)[4].
- Bien-être de l’enfant
Les études démontrent ainsi que les enfants en garde partagée présentent un niveau de bien-être comparable à celui des enfants vivant dans des familles unies, et nettement supérieur à celui des enfants sous garde exclusive, toutes choses égales par ailleurs.
- Équilibre parental et professionnel
La garde alternée offre aux deux parents de meilleures conditions pour concilier vie familiale et professionnelle, et favorise le ressourcement personnel. Les mères, en particulier, voient leurs perspectives professionnelles renforcées, avec un impact positif sur leur indépendance économique et leur prévoyance vieillesse.
- Égalité entre les sexes
Ce mode de garde contribue à un partage équilibré des responsabilités parentales et constitue un levier essentiel pour promouvoir l’égalité des chances et des charges entre mères et pères. La question d’une répartition équitable des tâches domestiques et familiales entre hommes et femmes ne devrait pas se limiter à la période de vie commune, mais s’étendre également après une séparation ou un divorce. En effet, l’organisation qui prévalait durant la vie conjugale doit être réexaminée, car la rupture introduit une nouvelle donne nécessitant une adaptation des responsabilités et des modalités de prise en charge des enfants. Il est intéressant de constater que les pays qui ont le plus haut taux de garde alternée sont généralement aussi ceux qui ont le meilleur score d’égalité hommes-femmes. Favoriser la garde alternée est une condition sine qua non de l’égalité hommes-femmes.
- Modèle éducatif positif
Les enfants bénéficient d’un double modèle de référence : ils constatent que leur père et leur mère sont capables d’assumer à la fois vie familiale et vie professionnelle.
- Stabilité
Les expériences étrangères montrent que la garde alternée, une fois instaurée, est rarement remise en question par les parents et contribue à un apaisement des tensions parentales et familiales.
- Violence domestique
Des études empiriques ont également mis en évidence un lien direct entre le régime de garde et la violence domestique, démontrant que de nombreuses formes de violences entre partenaires intimes débute au moment de la séparation et particulièrement lorsqu’un système de garde exclusif est imposé[5]. En Espagne, l’instauration plus systématique de la garde alternée dans certaines provinces s’est accompagnée d’une baisse de plus de 40% de différents types de violence, comparée aux provinces qui n’avaient pas favorisé la garde alternée [6].
- Accompagnement structurel
Dans les pays où la garde alternée est largement pratiquée, des mesures de soutien à la coparentalité (information, médiation, accompagnement) sont souvent prévues et mises en œuvre rapidement, favorisant des solutions consensuelles.
- Situation en Suisse
- La garde alternée en Suisse
Selon une étude BASS[7] mandatée par la Commission fédérale pour les questions familiales (COFF), moins de 20 % des enfants vivent sous le régime de la garde alternée, et ce malgré l’instauration en 2014 du principe de l’autorité parentale conjointe en Suisse. Dans plus de 70% des situations, la garde principale est attribuée à un seul parent, le plus souvent à la mère. Nos observations montrent que le canton de Genève reflète cette même tendance nationale.
- Une pratique judiciaire problématique
Les pratiques actuelles, souvent vécues comme une logique de « gagnant/perdant », tendent à aggraver les conflits plutôt qu’à les apaiser. Elles sont parfois perçues comme violentes et débouchent sur des situations de plus grande instabilité pouvant mener parfois à des situations de violences réactionnelles.
- Une surcharge des institutions
Les tribunaux de première instance, les APEA et les services de protection de l’enfant sont confrontés à une surcharge de travail croissante et un manque de ressources criant, entraînant retards, décisions hâtives ou fondées sur des appréciations biaisées, avec des conséquences graves pour les familles concernées.
- Une évolution sociétale
Depuis l’introduction de l’autorité parentale conjointe en 2014 et du congé paternité, les pères s’impliquent davantage dès la naissance de l’enfant et revendiquent de plus en plus souvent une garde partagée. Les affirmations selon lesquelles cette revendication resterait marginale sont contredites par les faits.
- Une inégalité de traitement
Malgré les critères déjà posés par législateur, le large pouvoir d’appréciation des juges de première instance entraîne des différences marquées dans les décisions rendues, décisions souvent confirmées par les autorités supérieures – cantonales et fédérales – dans les cas de recours. Les a priori individuels des juges – ceux plus conservateurs et ceux plus avant-gardistes – sur « l’intérêt supérieur de l’enfant » créent une inégalité de traitement dans les décisions prises et appliquées.
- Des pratiques innovantes prometteuses
La pratique du consensus parental, inspirée du modèle de Cochem apparu initialement en Allemagne, est mis en œuvre depuis 2020 dans plusieurs districts valaisans (aussi depuis 2023 dans l’Est vaudois). Ce dispositif, fondé sur une collaboration interdisciplinaire et une responsabilisation accrue des parents dans le processus de séparation, permet d’aboutir à des solutions consensuelles dans plus de 90 % des cas, tout en réduisant de manière significative la charge des tribunaux et les coûts supportés par les familles[8]. Une généralisation systématique de cette pratique à l’ensemble du territoire fait encore l’objet d’études et de rapports.
- La prise en compte du travail de « care » dans la prise en charge
La répartition de la prise en charge des enfants ne se limite pas aux temps de garde. Elle implique l’ensemble des tâches de soin, d’organisation et d’accompagnement (« care ») qui doivent être dûment reconnues et valorisées dans toute décision de garde.
- La reconnaissance du parent non-gardien
En Suisse, la garde alternée demeure confrontée à d’importantes lacunes structurelles. L’impossibilité pour un enfant d’être officiellement domicilié chez ses deux parents engendre des inégalités dans des domaines tels que la fiscalité, les aides sociales, l’accès aux structures extrascolaires ou encore la transmission des informations scolaires et médicales. Le manque de reconnaissance officielle du statut du parent non-gardien accentue ce déséquilibre et conduit à un traitement inégalitaire entre les deux parents, particulièrement ressenti lorsque la garde alternée est effectivement pratiquée.
Nous vous remercions de votre attention et vous présentons, Madame, Monsieur, nos salutations respectueuses.
Association Père pour toujours Genève
pour le comité
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- Bibliographie et références
Fernandez-Kranz, D., & Nollenberger, N. (2022, March). The impact of equal parenting time laws on family outcomes and risky behavior by teenagers: evidence from Spain. Récupéré sur ScienceDirect, Journal of Economic Behaviour & Organisation, volume 195: https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0167268122000075
Fernandez-Kranz, D., Nollenberger, N., & Roff, J. L. (2020, October). Bargaining under threats: the effect of joint custody laws on intimate partner violence. Récupéré sur IZA Institute of Labor Economics, n. 13810: https://www.iza.org/publications/dp/13810/bargaining-under-threats-the-effect-of-joint-custody-laws-on-intimate-partner-violence
Kruk, E. A. (2024). Going beyond the gender paradigm: a new perspective on interparental conflict, family violence and fathering after separation. Récupéré sur New Male Studies: https://newmalestudies.com/OJS/index.php/nms/article/view/423/475
Kruk, E. A., & Harman, J. J. (2024, September 16). Countering arguments against parental alienation as a form of family violence and child abuse. Récupéré sur Taylor & Francis online; The American Journal of Family Therapy, volume 53: https://www.tandfonline.com/doi/epdf/10.1080/01926187.2024.2396279?needAccess=true
Mastrangelo, S., & Umutsinzi, M. (2024). Rapport d’évaluation du projet pilote de consensus parental en Valais (2022-2023).Récupéré sur Service social international Suisse, ssi-suisse.org: https://www.ssi-suisse.org/index.php/fr/rapport-devaluation-du-projet-pilote-de-consensus-parental-en-valais/454
Meyer, D. R., Salin, M., Lindroos, E., & Hakovirta, M. (2024, Nov 13). Sharing Responsibilities for Children After Separation: A European Perspective. Récupéré sur Taylor & Francis Online: https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/28375300.2024.2423432
Nielsen, L. (2018, April 11). Joint versus sole physical custody: children’s outcomes independant of parent-child relationships, income and conflict in 60 studies. Récupéré sur Taylor & Francis Online, Journal of Divorce & Remarriage: https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10502556.2018.1454204
Schwarzer, G., & Bernardi, L. (2025, March). The role of judges in Swiss federal jurisprudence regarding shared physical custody. Récupéré sur Centre LIVES, Swiss center of expertise in life cours research, working paper 2025/106: https://www.centre-lives.ch/sites/default/files/2025-06/106_LIVES_WP_Schwarzer-04.pdf
Stutz, H., Bischof, S., Heusser, C., Guggenbühl, T., & BASS. (2022, juin). Quand les parents ne vivent pas ensemble – Parentalité et quotidien des enfants. Récupéré sur Commisson fédérale pour les questions familiales COFF – ekff.admin.ch : https://ekff.admin.ch/fileadmin/user_upload/ekff/05dokumentation/Bericht_Wenn_Eltern_nicht_zusammen_wohnen_F.pdf
US National Parents Organization. (2025). Shared parenting report card 2025. Récupéré sur sharedparenting.org: https://www.sharedparenting.org/2025-shared-parenting-report-card
[1] https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1998/2055_2055_2055/fr (art. 9 et 18)
[2] Stutz, H., Bischof, S., Heusser, C., Guggenbühl, T. (2022, June) Etude BASS Quand les parents ne vivent pas ensemble – Parentalité et quotidien des enfants. Récupéré sur site ekff.admin.ch
[3] Nielsen, L. (2018, April 11) Joint versus sole physical custody: children’s outcomes independent of parent-child relationships, income and conflict in 60 studies. Journal of Divorce & Remarriage, Taylor & Francis online
[4] Fernandez-Kranz, D, Nollenberger, N., Roff, J.L. (2020, October) Bargaining under threats: the effect of joint custody laws on intimate partner violence. IZA Institution of Labor Economics, Discussion papers N°13810
[5] Kruk, E. A. (2024) Going beyond the gender paradigm: a new perspective on interparental conflict, family violence and child abuse. New Male Studies
[6] Fernandez-Kranz, D, Nollenberger, N., Roff, J.L. (2020, October) Bargaining under threats: the effect of joint custody laws on intimate partner violence. IZA Institution of Labor Economics, Discussion papers N°13810
[7] Stutz, H., Bischof, S., Heusser, C., Guggenbühl, T. (2022, June) Etude BASS Quand les parents ne vivent pas ensemble – Parentalité et quotidien des enfants. Récupéré sur site ekff.admin.ch
[8] Mastrangelo, S., Umutsinzi, M. (2024) Rapport d’évaluation du projet pilote de concessus parental en Valais (2022-2023). Service social international – Suisse (ssi-suisse.org)

